Je me souviens...
C'est fini. Hier encore je suis allée le voir, il était calme, serein. Il nous regardait. Je l'ai trouvé trop calme, bizarre, vu la dureté des jours passés.
Aujourd'hui, quand je suis entrée dans sa chambre, j'ai compris que c'était fini. Il était si faible, il changeait de quart d'heure en quart d'heure. J'ai dû sortir de la chambre, je pleurais trop. Je ne voulais pas lui montrer ma détresse. Je n'oublierai jamais ses yeux. Par trois fois, il m'a prise dans ses bras, il savait que j'en avais besoin. Me blottir une dernière fois contre lui. Il a chuchoté à mon oreille. C'est le plus beau des derniers cadeaux qu'il m'a fait… me serrer contre lui.
J'aurais voulu retenir le temps, mais on n'en avait plus. Quelques paroles échangées, il a ouvert ses yeux, m'a regardé intensément parce que je venais de lui parler de son départ. Il m'a dit de m'accrocher, et de me battre.
"Fais ce que tu peux, le mieux. Ne te laisse pas détruire. Je t'aime."
Ce sont ses derniers mots pour moi. Et puis il s'est assoupi. La pièce s'est remplie d'un silence pesant. On attendait cette fameuse fin qui nous torturait depuis des années. Et on savait que toutes ces années de maladie, qui avaient abouti à une dernière année de fin de vie pénible allait prendre fin. Toutes ces années avec la mort comme une épée de Damoclès sur nos têtes et l'on n'était pas prêts. Retenir le temps, ces trois mots martelaient chacun de nos cœurs présents.
Tu es devenu pâle, ton souffle s'est mis à se saccader. On est sorti pour tes soins, tu as avalé une dernière fois cette morphine qui soulageait tes maux... et puis, maman est sortie de ta chambre, livide.
"Venez , ça y est...."
On a accouru près de toi, tu partais. Je t'ai pris dans mes bras. Ma soeur, ma mère et moi on t'a serré contre nous. Tu nous a regardé et ton souffle t'a quitté peu à peu... Tu t'accrochais, moi je te répétais de lâcher. On t'inondait de tout l'amour que l'on pouvait t'offrir pour t'accompagner . Quitte nous, quitte ces souffrances.
Tout s'est arrêté gentiment. A chacun de tes sursauts, nous te disions, pars, repose-toi maintenant.
Nous sommes restés ainsi un long moment, avec toi contre nous. J'ai posé ma tête sur ta poitrine, pour te sentir encore. Je ne pouvais pas te quitter. Il a pourtant bien fallu te laisser. Alors ce vide affreux m'a envahi. Ce manque, cette douleur que rien ne semble pouvoir calmer, même quand on est prêt!
J'ai perdu ma boussole, quand j'avais le plus besoin de toi.
Ma dernière visite, avant qu'on ne referme ton cercueil, pour te dire Adieu, fut une épreuve douloureuse. Toute la puissance du mot Adieu venait de résonner à mes oreilles. En te regardant pour la dernière fois, j'avais l'impression que je pourrais me contenter de te regarder, et te parler. Refermer ce cercueil mettait une fin définitive à tous les sens que nous offre la vie. Cette réalité m'arrachait des cris silencieux, de désespoir. J'ai cherché une dernière fois en toi la force d'avancer. Tu étais mon ancre dans ma vie tortueuse.
J'avais si mal. Parler de toi à l'imparfait me semblait impossible.
Le chemin s'arrête. Mais nous avons en poche tes cartes de vie. Nous savons nous battre. Tu vis en nous.
Les premiers pas sans toi sont si douloureux...il ne reste que les photos et les souvenirs.
Sept ans plus tard, je suis sereine, tu as laissé en nous des souvenirs ineffaçables. On arrive à penser à toi sans douleur. Seul le manque persiste, à certains épisodes de vie. Je me demande souvent si tu nous voit, à ce que tu penserais si tu étais parmi nous...
En cette période où tu es parti et où d'autres personnes proches nous quittent, j'ai eu besoin de me plonger dans mes souvenirs. Je ne t'oublie pas, papa.
cette musique que tu aimais tant... et que j'ai patiné en m'imprégnant de toi.
Adieu papounet
Tomaso Albinoni - Adagio (best live version)
Interpret: Copernicus Chamber Orchestra & Horst Sohm (conductor) Tomaso Albinoni - Adagio en sol menor, in G minor, Live in concert: Festival de Musica de L´Escala All rights reserved: ...
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